En Inde, Instagram ne s’ouvre plus sur les photos. Meta y teste une version “Reels-first” de l’application : l’écran d’accueil affiche uniquement des vidéos courtes. Les photos sont affichées dans un onglet secondaire. Les Stories restent en haut. Et la messagerie privée prend une place centrale dans la navigation.
On voit bien le signal : la photo, qui a longtemps fait l’identité d’Instagram, passe au second plan au profit de la vidéo courte. Avec plus de 3 milliards d’utilisateurs actifs, un tel changement ne touche pas seulement l’interface. Il modifie la visibilité des contenus, les usages créatifs et les investissements des marques.
Dans cet article, j’analyse l’évolution du positionnement d’Instagram, ses impacts pour les différents acteurs, et les décisions que les professionnels doivent anticiper dès maintenant.
- Instagram évolue vers un modèle « vidéo-first »
Le test “Reels-first” en Inde place les vidéos courtes au centre de l’expérience, reléguant les photos à un onglet secondaire. - Les marques doivent réorienter les ressources vers la vidéo
Il ne suffit plus de “tester” les Reels. Leur production doit devenir un pilier de la stratégie social media, avec des budgets, des équipes et des process adaptés. - Garder une ligne éditoriale malgré la pression algorithmique
Se laisser emporter par les tendances vidéo sans stratégie claire affaiblit l’identité de marque. L’équilibre entre viralité et cohérence doit être revendiqué. - Mesurer l’impact business (et pas seulement les vues)
Les marques doivent relier les Reels à des objectifs concrets (notoriété, leads, conversions) plutôt que de se concentrer sur les métriques superficielles. - Pour aller plus loin
Mon service de stratégie social media peut vous aider à structurer ce lien entre formats (Reels) et résultats.
Une évolution amorcée depuis plusieurs années
Le test “Reels-first” en Inde s’inscrit dans une trajectoire continue où Instagram a progressivement déplacé son centre de gravité.
- 2010 – 2015 : la photo au cœur de l’expérience. L’application se construit comme un espace de partage visuel simple. La photo carrée, enrichie de filtres, fait l’identité d’Instagram et marque sa différence face à Facebook.
- 2016 – 2019 : élargissement des usages. L’ajout des Stories (inspirées de Snapchat) et des Lives ouvre la voix à de nouveaux formats. La photo reste dominante, mais le contenu devient plus éphémère et interactif.
- 2020 : lancement des Reels. En réponse directe à TikTok, Instagram introduit la vidéo courte. Le format est rapidement poussé dans le fil d’actualité, y compris au-delà des comptes suivis. C’est un premier tournant stratégique.
- 2021 – 2023 : montée en puissance des Reels. L’algorithme privilégie la vidéo courte. La barre de navigation est repensée pour mettre les Reels au centre. L’onglet Shopping disparaît : Meta préfère concentrer l’attention sur la rétention plutôt que sur les expériences annexes.
- 2024 – 2025 : accélération vers la vidéo-first. Meta communique sur l’explosion du temps passé sur les Reels et sur l’importance du partage en DM. Le test en Inde apparaît alors comme une étape logique, destinée à préparer une généralisation.
Pourquoi l’Inde comme marché test ?
Le choix de l’Inde n’est pas un hasard. Avec plus de 400 millions d’utilisateurs, c’est aujourd’hui le premier marché mondial d’Instagram. La base y est jeune, très active et déjà habituée à consommer des vidéos courtes.
Depuis l’interdiction de TikTok en 2020, l’Inde est aussi devenue un terrain stratégique pour les formats vidéo. Les Reels ont comblé ce vide et se sont imposés comme le format dominant. Meta souligne d’ailleurs que 92 % des utilisateurs indiens privilégient Reels par rapport aux autres formats, et que 97 % regardent des vidéos courtes au moins une fois par jour.
Enfin, la diversité démographique et culturelle du pays en fait un laboratoire idéal. Tester une nouvelle interface sur un marché aussi vaste permet à Meta d’observer des usages variés avant de décider d’un déploiement international.
Impacts de cette transformation
Comme je l’indiquais précédemment, si ce test était généralisé, il transformerait la façon dont les utilisateurs consomment du contenu, la manière dont les créateurs produisent et la stratégie des entreprises.
Regardons ce que cela pourrait impliquer.
Utilisateurs
Un écran d’accueil centré sur les Reels rapprocherait Instagram du modèle TikTok, fondé sur la consommation passive de vidéos courtes. Les photos resteraient accessibles (via l’onglet “following”), mais leur visibilité serait réduite puisqu’elles demanderaient une action supplémentaire. La Gen Z, déjà habituée à ces formats, s’adapterait sans difficulté. Une partie des Millennials attachés à la photo pourrait en revanche se détourner. À terme, cela modifierait la composition des audiences disponibles pour les marques.
Créateurs
Pour les créateurs, les Reels deviendraient incontournables. Ceux qui continueraient à miser uniquement sur la photo verraient leur visibilité diminuer. Produire de la vidéo demande en plus des compétences spécifiques en narration et en montage. Cette exigence crée déjà une forme de sélection, et l’écart pourrait se creuser entre ceux qui investissent dans la vidéo et ceux qui restent à l’écart. Les effets varieraient aussi selon les secteurs. Dans la mode, l’architecture ou la photographie, où l’image fixe garde une valeur forte, la visibilité se réduirait. Dans la beauté, le fitness ou la musique, déjà portés par la vidéo, le contenu serait amplifié.
Marques et entreprises
Pour les entreprises, une telle évolution impliquerait une réallocation stratégique des ressources. La production vidéo devrait passer au premier plan, tandis que les formats statiques conserveraient un rôle plus secondaire. Cela rapprocherait Instagram de TikTok, obligeant les marques à harmoniser leurs approches. Le risque serait alors de tomber dans la duplication de contenus sans tenir compte des spécificités culturelles et éditoriales de chaque plateforme. Enfin, sur le plan publicitaire, un écran d’accueil vidéo-first concentrerait l’attention, ce qui renforcerait la pression sur les budgets et la production.
Meta
Pour Meta, l’intérêt serait clair : plus de temps passé dans l’application et un inventaire publicitaire élargi. Mais cette orientation aurait une contrepartie. La critique de la “tiktokisation” d’Instagram se renforcerait. Et certaines marques pourraient questionner leur présence sur une plateforme perçue comme ayant perdu son identité.
Recommandations
Le test en Inde agit comme un signal d’alerte pour les directions social media/marketing/communication en France.
Quatre priorités se dégagent clairement.
D’abord, intégrer la vidéo courte comme un pilier de la stratégie social media. Les Reels ne sont plus un format complémentaire : les entreprises qui les ignorent voient déjà leur portée diminuer.
Ensuite, investir dans la montée en compétences. Produire une vidéo engageante suppose des savoir-faire précis en narration et en montage. Sans formation ou accompagnement, il est difficile de maintenir la régularité et la qualité nécessaires.
Troisième priorité : préserver la cohérence éditoriale. La pression algorithmique pousse à suivre la tendance, mais céder à une logique opportuniste brouille l’identité de marque. Les équipes doivent garder une ligne claire.
Enfin, évaluer la performance au prisme du business. Vues et likes restent des indicateurs superficiels. Les entreprises doivent relier les Reels à des objectifs concrets : notoriété, génération de leads, recrutement ou influence sectorielle.
Conclusion
Le test “Reels-first” en Inde confirme que la vidéo courte occupe désormais une place centrale dans la stratégie d’Instagram. Même si ce modèle n’est pas encore généralisé, il illustre une tendance plus large : les grandes plateformes sociales privilégient les formats qui retiennent l’attention et dominent la distribution algorithmique.
Pour les directions social media/marketing/communication, l’enjeu est d’anticiper cette évolution et d’ajuster leurs choix stratégiques. Cela suppose d’arbitrer la part des ressources consacrées à la vidéo courte, de préserver l’identité éditoriale et de suivre des indicateurs reliés directement aux objectifs business. Ce test rappelle surtout la rapidité des usages et l’importance de préparer les ajustements en amont plutôt que de les subir dans l’urgence.
A votre tour maintenant
Comment percevez-vous ce test “Reels-first” en Inde : simple expérimentation locale ou signal d’une évolution globale d’Instagram ? Si Instagram devait devenir vidéo-first, quel impact cela aurait-il sur vos pratiques actuelles ? Quels arbitrages feriez-vous entre visibilité algorithmique et cohérence éditoriale de votre marque ?